Entretien avec Marc Renner, administrateur provisoire de l'Université de Toulouse
L’Université fédérale devient l’Université de Toulouse. Quels sont les impacts pour le site ?
Un statut expérimental
La parution récente* du décret portant sur la création de l’Université de Toulouse, marque un tournant important de la trajectoire du site toulousain de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. En s’appuyant fortement sur l’ordonnance de 2018 et sur les expérimentations qu’elle permet pendant dix années, c’est-à-dire jusqu’en 2028, le territoire de Toulouse dispose d’une fenêtre temporelle certes courte mais suffisante pour affirmer au niveau national et international son excellence en matière de recherche, de formation et de valorisation. En effet, si à l’échelle des établissements, des organismes, des unités de recherche et des structures de transfert et de valorisation, la qualité est réelle et mesurable, le site toulousain gagne à conjuguer et à agréger les excellences individuelles pour les sublimer sous la forme d’un projet collectif bien plus puissant. Cette expérimentation permettra notamment d’intégrer pleinement dans la démarche, des centres de formation et de recherche** qui ne relèvent pas d’une tutelle du MESR, et dont l’excellence participe fortement à la visibilité du site toulousain à l’échelle internationale.
Dotée récemment par l’État et par la Région Occitanie de moyens importants dans le cadre de nombreux projets relevant du Programme d’Investissements d’Avenir, des Défis Clés, des instituts 3IA et de plusieurs AMI, l’Université de Toulouse dispose d’une poussée suffisante pour franchir la marche qui se présente à elle. Il lui faut toutefois trouver la gouvernance adéquate pour conjuguer les forces individuelles tout en préservant leurs identités respectives chères au modèle français. C’est bien là que va se jouer l’expérimentation !
Parmi les nombreux projets, TIRIS, Toulouse Initiative for Research Impact on Society, se positionne comme une démarche particulièrement structurante. Cette initiative toulousaine agrège en effet recherche, formation et valorisation pour répondre aux enjeux majeurs de la société, au travers de projets interdisciplinaires. TIRIS a vocation à devenir la signature toulousaine de l’ESR et à fédérer le site tant au niveau de la métropole que des villes universitaires d’équilibre.
(*) Les trois décrets portant sur les créations respectives de la comue expérimentale Université de Toulouse (UT), de l’établissement expérimental Université Toulouse Capitole (UTC) et du grand établissement Toulouse School of Economics (TSE), établissement composante de l’UTC, sont parus de manière concomitante le 9 décembre 2022. (**) par exemple le centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CERFACS)
Une gouvernance resserrée plus agile
L’Université Fédérale Toulouse Midi Pyrénées rendait d’importants services à la communauté universitaire en gérant des projets complexes tels que l’opération campus. Préparant sa transformation en Comue expérimentale et bénéficiant de services très professionnels, elle était à la manœuvre de nombreuses initiatives et de projets nouveaux. Devenue Université de Toulouse, elle a à présent vocation à suppléer pleinement ses membres pour des projets communs à l’échelle locale, nationale et internationale, tout en valorisant les identités respectives de chacun.
Les statuts de la Comue expérimentale confèrent aux sept membres fondateurs, aux huit autres membres et aux sept organismes de recherche un rôle important dans la gouvernance du site. Aussi, c’est en toute confiance qu’ils peuvent s’engager dans les actions communes dans la mesure où ils en gardent le contrôle. Les élections des instances (cf. calendrier ci-dessous) et le choix de l’équipe de gouvernance représentent une étape importante de la transformation. Elles ont vocation a donner une légitimité forte aux acteurs de l’Université de Toulouse et à leur permettre d’agir en toute confiance.
La vie universitaire est essentielle et gagne à être organisée à l’échelle d’un site. La récente crise sanitaire a montré l’efficacité des actions collectives dans ce domaine.
Pour l’Université de Toulouse, la mise en place d’un parlement étudiant donne pleinement la main aux étudiants pour proposer et décider d’initiatives qui leurs sont propres, à l’échelle du site et dans un esprit pleinement interdisciplinaire. Cette démarche ne peut que renforcer leur formation en tant qu’acteurs de la société.
Le transfert de compétences
Le site toulousain gagne à conjuguer et à agréger les excellences individuelles pour les sublimer sous la forme d’un projet collectif bien plus puissant.
Quand l’enjeu est très important, d’un point de vue scientifique, technique, financier ou en termes de risques, le transfert de compétences peut s’avérer indispensable. Bien organisé, il permet à la communauté de relever des défis qu’elle n’aurait pas pu envisager à plus petite échelle.
S’il ne relève pas d’un réflexe naturel dans les milieux universitaires, le transfert de compétences à une organisation supra ne peut se faire qu’en pleine confiance. Qu’il s’agisse de services, d’équipements ou de ressources humaines, il ne doit pas s’opérer dans un esprit d’absorption, mais bien dans une démarche de délégation. Il devient alors profitable à tous.
Est-ce que l’Université de Toulouse va renforcer la visibilité du site académique ?
En termes de classements
Les classements, notamment internationaux, représentent un outil de mesure de la qualité d’un établissement universitaire. Même s’ils présentent parfois des biais qui pourraient jeter le doute sur leur véracité, ils ont un rôle important en termes de reconnaissance et d’attractivité internationale. Les négliger, consisterait à se complaire dans une démarche d’autosatisfaction sans vouloir s’exposer au challenge international. S’agissant de la communauté universitaire toulousaine, et au vu des enjeux économiques, sociaux et sociétaux de sa région, elle se doit d’occuper une place visible dans le paysage international de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Aussi, l’expérimentation en cours doit lui permettre de trouver le format qui lui permet d’agréger tous les acteurs ainsi que les éléments nécessaires à la reconnaissance au plus haut niveau.
Vers une signature unique des publications
La signature unique des publications à l’échelle d’un site est un élément clé de la mesure de son excellence dans la mesure où elle permet d’éviter toute forme de dilution de ce critère. Le chemin pour y parvenir n’est pas simple. Un établissement n’est en effet disposé à se dessaisir de sa signature que s’il a la garantie d’une meilleure reconnaissance via le site. Aussi, les acteurs de la recherche sont conviés à rajouter la signature Université de Toulouse à celle de leur établissement ou organisme selon une charte à définir, pour renforcer progressivement la visibilité du site. Selon les classements internationaux, cette démarche est possible peut s’avérer très vertueuse.
Doctorat : délégation ou co-accréditation ?
Le doctorat représente la charpente de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les écoles des docteurs qui agrègent les écoles doctorales d’un même site, ont montré le caractère vertueux du décloisonnement des filières. Dans la démarche de TIRIS, doctorat et post doctorat jouent un rôle essentiel. Les statuts de l’Université de Toulouse permettent de choisir entre une délégation du doctorat à la comue expérimentale et une simple co-accréditation entre établissement et comue. Si la délégation renforce la visibilité du site, elle doit être précisée en termes d’inscriptions et d’organisation. Comme pour le transfert de compétences évoqué plus en amont, une démarche de confiance doit se mettre en place pour satisfaire l’ensemble des acteurs tout en renforçant pour le site un des critères essentiels en matière d’excellence, à savoir la spécificité et la qualité des docteurs de l’Université de Toulouse.